Extrême Orient Russe.
L'idée de ce voyage est née de la lecture du livre de Nicolas Werth, la route de la Kolyma (Belin 2012).
La Kolyma est un vaste territoire aux confins de l’Arctique. Elle tire son nom du fleuve Kolyma qui la traverse. Cette région qui a toujours appartenu à l'empire russe n'a été explorée qu'à la fin du 19ème siécle. Son climat glacial n'attirait que quelques trappeurs. En 1916 on y découvre des gisements d'or. Des orpailleurs affluent notamment de Iakoutie. Une dizaine d'année plus tard, le gouvernement interdit les exploitations individuelles et oblige les orpailleurs à céder leurs découvertes à la société minière d'état. Cela intervient alors que une expédition géologique publie un rapport faisant miroiter de gigantesques possibilités d'exploitation minière.
A la même date une réforme pénale impose que les condamnés à plus de trois d'incarcération ne soient plus détenus en prison mais astreints à un travail forcé et transférés dans des camps de travail.
C'est le début du « goulag ». Les prisonniers de droit commun ou politiques « ennemis du peuple » deviennent la main d’œuvre des mines. Afin de rendre l'extraction de l'or en Extrême-Orient aussi efficace que possible, Joseph Staline a créé en 1931 une structure distincte appelée Dalstroï (Concession pour la construction du Grand nord).
C'était une société contrôlée par l'État soumise directement au Comité central du Parti et qui était responsable de l'ensemble de la Kolyma. Sa mission était d’extraire l'or, l'étain, le tungstène et, dans le même temps, de construire des villes et villages, en développant les infrastructures de cette zone éloignée.
La route Vladivostok-Magadan ne peut être réalisée à cause des conditions climatiques, alors les prisonniers sont acheminés par cargo vers Magadan. Les conditions d'acheminement sont épouvantables. Des centaines de prisonniers meurent de froid et de faim dans les soutes glaciales des cargos. La condition de ceux qui survivent à ce transport n'est guère plus enviable.
Plus tard La route de la Kolyma, plus connue sous le nom de « Route des os » reliera Yakoutsk à Magadan. D'une longueur de 2032Km elle tire son nom du fait que les os des gens qui la construisaient lui furent incorporés.
Les prisonniers étaient emmenés sur les sites où des filons d'or avaient été découverts. Ils construisaient le camp, les baraquements. Puis un groupe construisait les équipements nécessaires à l'exploitation des gisements.
L’objectif du système était d'extraire le plus d'or possible souvent avec des moyens techniques dérisoires, épuisants pour la main d’œuvre. À son apogée, au début des années 1950, le goulag exploitait des millions de personnes, employait un immense personnel et «pesait» près de 10 % du PIB soviétique !
« Le camp n'a jamais rien donné à personne, et il n’aurait jamais pu. Tout le monde, prisonniers et civils, est corrompu par le camp », a écrit Varlam Chalamov, écrivain soviétique qui a passé 14 ans de sa vie dans les camps de la Kolyma. Dans ses Récits de la Kolyma, Chalamov, conte de manière prosaïque la vie horrifiante dans le camp avec ses hommes à bout de souffle, affamés et indifférents forcés à accomplir un travail brutal, parfois par -30 degrés Celsius.
L'histoire des camps de la Kolyma a pris fin après la mort de Staline en 1953. À cette époque, l'or et les ressources de la région étaient en majeure partie extraits, de sorte que la nécessité d'envoyer des milliers de personnes avait disparu. Cela a coïncidé avec un changement dans la ligne du parti : les répressions ne furent plus jamais aussi massives.
Le Dalstroï a été démantelé en 1957, et les tristement célèbres camps de travail fermés. Des dizaines de milliers de Polonais y ont été déportés, aux côtés de millions de «zeks» Soviétiques, Allemands ou autres. Mais La Kolyma, cœur du système concentrationnaire stalinien, pivot de l'immense archipel du Goulag, reste-t-elle une plaie vive dans la Russie d'aujourd'hui ?
« Le goulag, ce n'est pas seulement le camp. C'est un mode de vie, un système de production. Quand 20 millions de Soviétiques font, le temps d'une génération, l'expérience du camp ou de l'exil, les conséquences sont immenses sur la société. La dureté des rapports humains dans le camp influe sur les rapports sociaux hors du camp. L'argot du camp transforme la langue : les frontières s'estompent entre la «petite zone» (le camp) et la «grande zone» (le reste du pays).
En Russie, l'État n'a engagé aucune politique patrimoniale concernant le goulag ou les répressions staliniennes. Pas la moindre mesure de mémorialisation, de conservation ou de préservation des sites d'exécution, de détention, de relégation ou d'exploitation de la main-d'œuvre forcée n'a été entreprise. Ce sont des «militants de la mémoire» qui érigent les monuments aux victimes, pas les autorités ».Nicolas Wert
C'est donc sur les pas de ces milliers de déportés que je vais partir.
Le point de départ c'est Moscou par le transsibérien Je quitterai ce train à Taïchet pour monter dans le BAM, ou petit transsibérien qui passe au nord du lac Baïkal. Cela jusqu'à Neriougri, où je prendrai un bus pour Yakust. Je rejoindrai Magadan en survolant la route de la Kolyma. De là je partirai vers le Kamtchatka.
La carte ci dessous explicite ce voyage.